Vers une DRH 2.0 !
Dans notre article précédent « Quelles missions pour la Direction des Ressources Humaines ? » [1], nous
proposions un cadre établissant les grands rôles du DRH.
Nous aboutissions à une position équilibrée entre quatre rôles :
Le DRH doit assumer une espèce d’équilibre instable, garantissant tout à la fois la constance de l’organisation et son évolution, avec un courage stratégique, une crédibilité opérationnelle, une vocation sociale, une excellente administrative.
Nous aboutissions à une position équilibrée entre quatre rôles :
- Expert administratif
- Business Partner
- Human Partner
- Strategic Partner
Le DRH doit assumer une espèce d’équilibre instable, garantissant tout à la fois la constance de l’organisation et son évolution, avec un courage stratégique, une crédibilité opérationnelle, une vocation sociale, une excellente administrative.
Cet
équilibre déjà difficile à obtenir et à préserver, est confronté à l’arrivée du digital et des réseaux sociaux, avec les
transformations culturelles qui bouleversent la vision du DRH de l’organisation
traditionnelle du travail. Quels sont ces impacts sur la fonction RH ?
L'avènement du web 2.0 entraîne en effet de nouveaux comportements, de
nouveaux usages et de nouvelles attentes. Rentrés dans le quotidien, notamment
des nouvelles générations Y et Z, les Linkedin, Facebook, Dailymotion, Twitter,
Skype, etc. permettent à ses utilisateurs d'être des participants actifs, des
“consom’acteurs”. Ces technologies 2.0 sont sous-tendues par les notions de
comportement participatif et de démarche collective. Elles impactent fortement
et en profondeur la gestion de l'entreprise et donc la manière de « faire des
RH ».
Passer du «Je» au «Nous»
Le développement de systèmes collaboratifs et la
mise en œuvre de pratiques innovantes intègrent un nombre croissant d'acteurs,
dans et hors de l'entreprise.
Dans le cadre de la formation, par exemple, des
communautés apprenantes plus larges se développent avec la multiplication des
formations à distance (FOAD) souvent mixées avec une démarche en présentiel. Ce
“blended learning”couplé à une logique de mentoring crée un véritable réseau de
“social learning” qui multiplie les moments d’apprentissage et les
interactions. L’apprentissage est par nature un acte social, même à distance
avec Internet. Les responsables formation doivent en prendre toute la mesure
dans l’ingénierie de leur programme de formation s’ils veulent bénéficier de
l’efficacité pédagogique offerte par ces nouveaux médias (e-learning, wiki,
réseaux sociaux, etc.). Pour appréhender l’efficacité d’un apprentissage, le
paramètre déterminant n’est pas la modalité de formation elle-même, moderne ou traditionnelle,
mais la qualité de la conception du dispositif pédagogique. Les études
démontrent également que l’efficacité réside dans la combinaison des
dispositifs, intégrant souvent plus de temps pour apprendre, plus de ressources,
plus d’opportunités pour collaborer[2].
Dans le cadre de l'évaluation de la performance, la généralisation du
mode projet appuyé par des systèmes organisationnels collaboratifs entraîne
nécessairement des modalités d'appréciation et de reconnaissance du talent d'un
ensemble d'individus aux compétences imbriquées, au détriment des systèmes
traditionnels d'individualisation. Même si les SIRH nouvelle génération
proposent des fonctionnalités qui permettent des évaluations en continu, à
360°, en mode participatif, la mise en œuvre opérationnelle de telles solutions
requiert une certaine progressivité. Enfonçons une porte ouverte : l’outil
ne fait pas tout et ne doit pas être la finalité d’une démarche RH.
La fin des pyramides
Une étude du Gartner montre qu’en 2014, 20% des professionnels
utiliseront les réseaux sociaux plutôt que l'e-mail comme vecteur principal de
communication. Dans le même temps, le glacier américain Ben&Jerry's a
annoncé qu'il renonçait à sa newsletter mensuelle au profit des réseaux
sociaux. Ainsi, la virtualisation des relations managériales, la transversalité
de la communication et la diffusion des pratiques modernes de communication
avec les réseaux sociaux d’entreprise entraînent l'émergence « d'autorités
sans pouvoir et de pouvoirs sans autorité ». Si elles ne sont pas
encadrées et accompagnées, elles remettent en cause lentement mais profondément
les systèmes hiérarchiques classiques.
L'information circule de moins en moins comme avant, en cascade du haut
en bas, des cadres supérieurs vers les cadres puis vers les employés. Elle se
diffuse de manière horizontale et hiératique, entre les différents
collaborateurs interconnectés. Quand les employés d'un service obtiennent
systématiquement l'information avant leur responsable, il y a nécessairement un
changement dans son leadership et son mode de management. Le rôle du manager
glisse ainsi d'une gestion traditionnelle en râteau à la coordination d'une
communauté où les compétences s'entrelacent au gré des objectifs de l'entreprise.
Cette dernière passe du statut de "personne morale" à celui de
"communauté de destin" où chacun tire sa satisfaction de la
réciprocité avec autrui, où le sociogramme se substitue à l’organigramme.
Une frontière qui s'effrite
Le développement des réseaux sociaux entraîne une porosité croissante
entre sphère professionnelle et sphère privée qui interroge directement la
fonction RH. La presse relate de nombreux cas de salariés licenciés pour avoir
tenu sur leur blog des propos parfois critiques à l'encontre de leur
entreprise. Ca a été le cas de la société Alten. Plus récemment une association
a licencié trois travailleuses sociales pour "faute lourde". On leur
reprochait des propos jugés « injurieux, diffamatoires et menaçants »
tenus sur leur mur Facebook.
Quelle conduite à tenir pour un DRH devant ces comportements ?
-
Penser que c'est marginal alors qu'aujourd'hui
les internautes passent plus d’un quart de leur temps sur les réseaux sociaux ?
Leur usage quotidien est par ailleurs renforcé par l'utilisation exponentielle
des smartphones.
-
Sanctionner professionnellement des commentaires
parfois anodins ? Mais une sanction perçue comme disproportionnée par la
blogosphère pourrait faire boule de neige et, au final, nuire à la réputation
de l'entreprise. En pleine guerre des talents, il serait pour le moins
dommageable pour la marque employeur de devenir
« the worst place to work »...
Les bonnes réponses restent souvent à trouver et à construire. Mais
n'attendons pas cela de la Direction Marketing ou du Direction des Systèmes
d’Information. Le DRH est bien en première ligne sur tous ces sujets. C’est
lui le mieux placé pour gérer cette transition digitale. L'implication des
acteurs RH de l'entreprise en est d'autant plus cruciale que le développement
des réseaux sociaux touche l'organisation du temps de travail, les conditions
de travail, avec en corollaire possible l'augmentation du stress, et la bonne
application du droit du travail... sujets qui concernent pour le moins très
directement la fonction RH !
Le
développement des smartphones contribue à cette perméabilité vie pro/vie perso.
Il accélère la vitesse des
changements. Dans l’entreprise comme dans la société, le monde avance trop vite. Je
traite un débit ininterrompu de mails. Je tweete, je like, je skype, je
textote de partout et tout le temps. Pour certains, l'addiction est proche.
Pour tous, il n’y a plus le temps. Plus de temps pour prendre du recul
et pour emmagasiner du sens, condition indispensable à la confiance, à
l’engagement, et, in fine, à la performance de l’entreprise.
La mobilité
comme la virtualisation contribuent à cette confusion dans les relations
humaines, à ce manque de différenciation entre vitesse et précipitation,
urgence et pertinence, décision et action.
D’un « R » à l’autre
Nous assistons bien à une réinvention complète de l'organisation de
l'entreprise. Ces mutations ne se limitent pas à une simple utilisation de
nouveaux gadgets internet. Elles ne sont pas virtuelles ! Elles entraînent
un changement de référentiel pour la fonction RH qui se doit au préalable d'appréhender plus
activement que par le passé les capacités offertes par les systèmes
d'information et les nouvelles technologies.
Amis DRH, sans être de véritables geeks ne soyez pas technophobes ! Inutile
de connaître tous les codes linguistiques de Twitter et de Facebook pour être
diffuseur de « Social Change » dans l’entreprise, promoteur de
l’évolution numérique, coach digital des managers. Il y a là l’opportunité de
gagner en terme d’image interne, de modernité et d’innovation mais surtout de
réaffirmer le positionnement de la fonction RH, d’asseoir sa crédibilité et sa
légitimité de façon pérenne.
Enfin, ne nous trompons pas : ces médias sociaux ne redéfinissent pas la
finalité de la fonction RH. Ils fournissent un cadre structurel au passage
de la Ressource à la Relation humaine. La Fonction RH doit changer d’ « R »
en changeant d’ère. Ce n'est qu'ainsi que le DRH sera le porteur de la
sociabilité comme bien collectif et enjeu de cohésion.
Gageons que nous saurons appréhender la réalité du virtuel, prendre ce
virage en donnant du sens afin de maintenir un lien social, dont le besoin est
bien réel !
DRH,
humanisons les réseaux sociaux !
@ThomasChardin
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[1] Cet
article est extrait du livre blanc proposé par PowerOn en
partenariat avec LinkedIn intitulé « Tendances RH - 10 experts partagent leurs
visions ». Vous pouvez le télécharger sur www.tendances-rh.com. Cet article a également été diffusé sur RH Info (www.rhinfo.com)
[2] Sur le thème de l’apport des nouvelles technologies pour la formation professionelle, je vous invite à consulter le blog de Mathilde Bourdat qui traite entre-autres de ces problématiques : http://www.formation-professionnelle.fr
Source de l'image de titre : elle vient du site Visionarymarketing.com qui diffuse depuis le début 1996 des textes et des informations sur le Marketing et les systèmes d’information, le marketing des NTIC et les évolutions sociologiques et comportementales.
Source de l'image DRH 2.0 : elle vient du site de Patrick Storhaye "RH by Storhaye". Je vous invite par ailleurs à lire son article "DRH ou Direction des Réseaux Humains, quelle logique?"
J'espère que les chefs d'entreprise vont consacrer un peu de leur temps pour lire cet article, parce que les employés, ne font que subir les répercussions négatives d'un ancien système de gestion de ressource humaine et qu'il en est temps pour opté au DRH 2.0 avant que l'image de l'entreprise ne ce dégrade.
RépondreSupprimerGood sshare
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