vendredi 26 novembre 2010

La formation en entreprise, une piste à explorer pour les acheteurs

Gourmandes en formation, les grandes entreprises n'envisagent pas suffisamment d'optimiser cette famille d'achats, notamment via l'externalisation. Une stratégie qui pourrait néanmoins s'avérer gagnante, avec l'aide de l'acheteur.

96% des entreprises de plus de 700 salariés consacrent aux dépenses de formation une part supérieure à celle imposée par la loi, soit 1,6% de la masse salariale. Voilà le résultat de l’enquête menée par Demos Outsourcing et l'association européenne de l'outsourcing (OEA), présentée mardi 24 novembre 2010.

Plus précisément, plus de 35% des entreprises dépensent entre 3 et 5% de la masse salariale dans la formation des collaborateurs, contre 2 à 3% pour environ 16% des sociétés interrogées.

Cet investissement, qualifié de majeur par Demos Outsourcing, est surtout au cœur des préoccupations des grandes entreprises. 44% des organisations qui comptent entre 750 et 7.000 collaborateurs allouent entre 3 et 5% du volume de rémunération brute dans la formation. En revanche, constate l’institut de formation, la part de la masse salariale dédiée à la formation représente moins de 1,6 %, pour presque 39% des entreprises de moins de 750 collaborateurs.

Des acheteurs peu ou pas du tout impliqués
Perçue comme une fonction support par 70% des entreprises interrogées, la formation reste polyvalente, dédiée aux différentes organisations de l’entreprise. Il s’agit d’une fonction au service de la performance. 70% des entreprises interrogées déclarent que le service formation, lorsqu’il est géré en interne, est destiné à assurer le développement des compétences des collaborateurs. Presque 54% estiment que ce service devient prioritaire lorsqu’il s’agit d’intervenir en amont pour définir des besoins. Elle n’est ainsi pas reconnue comme une fonction stratégique pour les directions des ressources humaines.

La formation ne pourrait-elle pas être externalisée? Si les fonctions administratives, telles que la logistique et la paie, sont déjà confiées aux soins de prestataires externes chez 70% des entreprises interrogées, la gestion de la formation ne l’est que dans 17% des sociétés sondées. Toutefois, 45% d’entre elles envisagent d’externaliser la fonction formation.

Toutefois, l’intervention de la direction achats dans ce processus n’est pas ancrée dans les habitudes des grandes entreprises. Si l’externalisation d’une ou plusieurs fonctions historiquement gérées par les ressources humaines émane d’une décision de la direction générale dans 40% des cas, il n’y a jusqu’à ce jour aucune implication de l’acheteur.

Selon Christian Séreiys, président de la commission Business Process Outsourcing (BPO) et RH de l'OEA, il n’y a pas de relation entre la direction des ressources humaines et la direction achats en ce qui concerne l’achat de formation.

Les directions achats sont d’ailleurs les grandes absentes de cette enquête puisque seules 7% d’entre elles y ont participé. "Les responsables achats ne se sentent pas impliqués dans ces projets, explique-t-il, car ils ne sont pas considérés comme ayant une importance économique incontestable. D’autre part, les DRH ne veulent pas forcément les partager." Christian Sérieys reconnaît pourtant qu’il serait judicieux de considérer les directions achats comme des business partners et les associer à titre d’experts dans le processus d’externalisation de la formation.

Résultats de l'enquête Demos Outsourcing - EOA sur l’Externalisation des fonctions RH

Suite à mon post du 7 octobre dernier concernant l'enquête menée par l'EOA et Demos Outsourcing sur l’Externalisation des fonctions RH, je vous invite à prendre connaissance des principaux résultats de cette étude et de la présentation faite à l'occasion du petit-déjeuner de restitution.

Cliquer ICI

Faut-il externaliser son recrutement à tout prix ?

A l’image des autres fonctions supports, le recrutement est de plus en plus externalisé par les entreprises. Mais cette tendance se heurte encore à quelques réticences. Explications…

Entre internalisation et externalisation de leur recrutement, le cœur des entreprises ne cesse de balancer. « Les DRH sont toujours en train d’osciller entre ces deux stratégies, avec des mouvements de balancier qui diffèrent en fonction de chaque entreprise, souligne Jean-Paul Brette, vice président de Syntec recrutement. Pour cette raison, il est impossible de savoir si l’on est actuellement dans une tendance de fond qui pousse vers l’une ou vers l’autre. Tout ce que l’on peut dire, c’est que la part de marché des cabinets de conseil en recrutement serait inférieure à 30 %. »

Le principal argument qui milite en faveur de l’internalisation, c’est Internet. La possibilité de diffuser des annonces et de s’abonner à des CVthèques sur les jobboards permet aujourd’hui aux entreprises de toucher facilement et rapidement de nombreux candidats sans avoir besoin d’une intervention extérieure. L’outsourcing s’est lui développé en surfant sur la vague de l’externalisation des fonctions supports chères aux entreprises anglo-saxonnes.

La maîtrise des coûts
Si cette philosophie séduit de plus en plus d’entreprises en France, elle se heurte encore à une approche très orientée sur les coûts. « Beaucoup de DRH se disent que recruter en interne ne coûte rien car des équipes sont déjà en place, alors que recruter à l’extérieur implique de sortir de l’argent, constate Jean-Paul Brette. Mais dans un monde où les crises sont de plus en plus fréquentes et brutales, avec des entreprises qui sont obligées d’utiliser le recrutement comme variable d’ajustement, le mouvement est en train de s’inverser. » La maîtrise des coûts est en effet en train de s’imposer comme un argument phare de l’externalisation auprès d’entreprises soucieuses de diminuer leurs charges fixes au profit des charges variables.

Parmi les autres arguments qui militent en faveur de l’externalisation, on retrouve la maîtrise des délais et des risques, la nécessité de gérer les problématiques de non-discrimination, la confidentialité, la gestion des candidatures recommandées, la capacité à attirer des candidats qui spontanément ne se seraient pas dirigés vers l’entreprise… « Les cabinets de recrutement sont de plus en plus spécialisés par secteur et par fonction, avec des experts qui suivent toutes les évolutions liées aux marchés, ajoute Jean-Paul Brette. Tout cela leur permet d’assurer des recrutements de qualité, qui mettent en exergue l’homogénéité et l’objectivité des conseils du cabinet. »

Un débat difficile à trancher
Dans un débat qui reste difficile à trancher, certaines DRH se concentrent désormais sur le pilotage de la politique de recrutement au service des objectifs de l’entreprise, pour déléguer l’ensemble du processus de recrutement qui va de la prise de brief chez le client interne, jusqu’au suivi d’intégration du candidat recruté, en passant par la recherche, la sélection, la prise de références ou l’accompagnement dans la prise de décision…

Source : Focus RH, "Faut-il externaliser son recrutement à tout prix ?" par Yves Rivoal, le 24 novembre 2010

Externalisation du recrutement : les clés du succès

Externaliser le processus de recrutement, d’accord, mais sous certaines conditions. Pour que la collaboration avec un spécialiste soit réussie, il faut prendre des précautions.


Organisé récemment par l’hebdomadaire HRExaminer, le webinar "Les raisons pour lesquelles les contrats d’externalisation du processus de recrutement peuvent échouer" a donné quelques clés aux professionnels des ressources humaines pour limiter les risques. Fondateur du magazine, John Sumser note trois problèmes majeurs dans ce type de contrats : « tout d’abord, il est difficile de dire si le contrat fonctionne bien ou pas, car les résultats ne sont pas vraiment mesurables. Ensuite, lorsque la collaboration ne se passe pas bien, il est difficile de savoir de qui vient le problème. Enfin, il faut s’ajuster à des facteurs incontrôlables, tels que l’absence de candidats qualifiés ou les marchés qui posent problème géographiquement. » En effet, certaines zones ne sont pas du tout attractives pour les candidats, ce qui peut parfois rendre les recherches compliquées.

Les solutions
La première solution d’après John Sumser ? Une flexibilité réciproque. « Le client doit être prêt à entendre la vérité. Il existe des profils qui sont tout simplement introuvables sous certaines conditions, il faut parfois faire des concessions. Quant au prestataire de services, il doit accepter d’utiliser toutes les méthodes possibles pour satisfaire le besoin de l’entreprise en demande. » Et sortir de sa zone de confort s’il le faut en recherchant des candidats par des moyens qu’il n’a pas l’habitude d’utiliser.

Concrètement, l’outil principal pour une collaboration réussie est le contrat. Il doit couvrir tous les aspects du problème. Il faut y inclure des clauses précises concernant les objectifs : si un profil n’est pas trouvable dans un délai prédéfini, alors l’entreprise autorise son prestataire à élargir la recherche en abandonnant quelques critères particulièrement contraignants. Deuxième précaution : prévoir des périodes assez courtes, au moins au début de la collaboration. Inutile de se lancer pour cinq ans avec un prestataire tant que l’on ne connaît ni ses méthodes ni ses résultats. Enfin, le paiement est naturellement un aspect primordial du contrat. Les deux parties doivent définir les termes qui leur conviennent : paiement de la totalité une fois la mission remplie, paiement d’une partie de la somme avant et du reste après, paiements divisés tout au long du contrat…

Mais surtout, insiste John Sumser, « les contrats d’externalisation du recrutement sont avant tout une affaire d’hommes. C’est une relation entre plusieurs personnes qui doivent sentir qu’elles peuvent travailler ensemble. » Il est donc conseillé, avant de prendre une décision définitive, d’organiser des rencontres entre les personnes qui seront le plus souvent amenées à être en contact.
 
Source : Exclusive RH, "Externalisation du recrutement : les clés du succès" par Séverine Dégallaix, le 22 novembre 2010

vendredi 19 novembre 2010

Bodet Software rejoint l'AppStore avec 2 applications iPhone

Afin de faire connaître son offre mobile, Bodet Software, éditeur de solutions de gestion des temps du personnel lance deux applications gratuites sur l'iPhone : Ma nounou et iVacances.

Destinées à un large public et actuellement disponibles sur l'AppStore dans les catégories Utilitaires et Productivité, ces applications iPhone ont été développées selon le leitmotiv de Bodet : optimiser la gestion du temps.
 


Pour lire le Communiqué de presse de Bodet
> Cliquer ICI

Pour télécharger les liens vers l'App Store, consulter le site web de Bodet consacré aux applications mobiles
> Cliquer ICI

La montée du crowdsourcing

La montée du crowsourcing est l’article écrit par Jeff Howe en 2006 dans Wired magasin, et qui fonde la définition du terme. Le crowsourcing est une contraction du « out sourcing » et de la foule, ce que l’on pourrait traduire par se ressourcer à la foule. Autrement dit, le crowdsourcing s’appuie sur le concept de foules intelligentes. On fait l’hypothèse qu’avec une foule suffisamment importante en quantité et qualité on peut profiter de ses talents pour enrichir le modèle économique de l’entreprise.

Déjà des entreprises, comme Colgate Palmolive, reconnaissent avoir recourt à ce type de modèle dans leurs recherches et développements. Procter and Gamble utilise le crowdsourcing pour plus de 50 % de sa R&D. Les entreprises se convertissent et les hotspots se construisent. Le plus connu est Innocentive, créé en 2001, qui regroupe plus de 100 000 solvers pour résoudre toutes sortes de problématiques. D’ailleurs Colgate Palmolive a communiqué sur le phénomène avec le fait de savoir injecter de la poudre fluorée dans un tube de dentifrice. Le solver d’Innocentive a gagné 25 000 euros. C’est ce que l’on appelle l’open innovation ; mutualiser la R&D. Le modèle prévoit des communautés de solvers plus ou moins à la retraite, comme dans Yourencore, créé en 2003, ou des étudiants comme dans Ideacrossing, créé aussi en 2003. Le modèle prend sa forme.

L’open innovation fait résonance aux lead users du monde du marketing, où les consommateurs influents testent les produits et font avancer la cause de l’entreprise. Les lead users ont ouvert la voie aux communautés de consommateurs, tous les consommateurs peuvent contribuer s’ils le désirent à la relation client. La recherche et développement, le marketing commencent à intégrer le crowdsourcing, ce qui permet d’avoir des retours de pratiques intéressantes. Le véritable problème est l’organisation des solvers, mais aussi l’organisation des seekers - ceux qui posent les problèmes : savoir créer une culture de la circulation des informations, accepter de mettre en commun des problèmes et accepter de s’occuper des problèmes des autres.


Et la formation dans tout ça ?

Aujourd’hui le crowdsourcing formatif n’est que très peu utilisé dans les entreprises. Au mieux, on a un développement du blogsourcing, mais qui est encore marginal. Le blogsourcing permet, à travers un blog, de poser un point de vue, un contenu par exemple, et de demander aux bloggeurs d’apporter leur contribution. Cela peut prendre bien des formes, mais, assurément, l’expérience la plus concluante est celle de faire vivre le book formateur. Permettre à chaque animateur de donner ses trucs, ses remarques pour donner plus d’acuité et de vie à la chose formative. La communauté de formateurs permet de capitaliser un savoir innestimable. Mais le crowdsourcing en formation peut aller beaucoup plus loin : apprendre à poser des problèmes formatifs et apprendre à les résoudre ensemble, avec des personnes internes à l’entreprise, mais aussi externes, pour diversifier les points de vue. Le responsable de formation deviendrait alors un organisateur de points chauds pour structurer le crowdsourcing comme espace de veille durable, moteur de la transformation de l’entreprise. Le problème est là encore culturel : sortir la formation de sa chosification, pour qu’elle retrouve sa raison d’être : un espace à vivre.
 
A propos de l’auteur Stéphane Diébold
… Il a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, au sein de TEMNA dont il est le fondateur depuis 2003. Associatif, il a assumé des responsabilités dans une dizaine d’association, essentiellement formatives, aujourd’hui Vice-président du GARF (www.garf.asso.fr) et de l’ETDF.

Source : Focus RH, "La montée du crowdsourcing" par Stéphane Diébold, le 17 novembre 2010

jeudi 18 novembre 2010

Tendances de l'externalisation de la formation en France

Comme l'EOA et Demos Outsourcing il y a un mois (cf mon post du 7 ocobre dernier), My RH Line et Dypsis lancent une enquête les tendances et la pratique d'externalisation de la gestion de la formation en France.

Cliquer ICI pour y accéder. 
(et ainsi recevoir une invitation pour assister en exclusivité
à la présentation de l’analyse des résultats au début de l’année 2011)  


Il est à noter que la restitution de l'étude de l'EOA et de Demos Outsourcing aura lieu ce mardi 23 novembre 2010.

samedi 13 novembre 2010

Réseaux sociaux et facebook comme moyens de licenciement des salariés

Avec le développement des réseaux sociaux, blogs, forums tel que Twitter, Facebook, etc. la frontière entre vie privée et vie professionnelle est chaque jour de plus en plus difficile à appréhender.


Le nombre d’affaires où les publications personnelles des internautes sur la toile ont un impact direct sur le travail ne cessent de se multiplier.


Il convient de relever aussi avec intérêt qu’à l’heure où la réputation sur internet est devenue un enjeu majeur pour le développement commercial des entreprises, comme des personnes physiques, ces propos apparaissent souvent en bonne place dans les résultats de recherches sur Google.



I - Les précédents où les réseaux sociaux ont été utilisés par les employeurs contre leurs salariés


La première affaire est celle, en 2006, de Catherine Sanderson, secrétaire le jour, blogueuse racontant sa vie intime la nuit sur un blog mais qui a été licenciée par son employeur pour avoir terni l’image de l’entreprise en partageant sur la toile ses frustrations intimes et professionnelles. Or, elle tenait ce blog de façon anonyme et n’a jamais cité nommément son entreprise. Elle a finalement été indemnisée par le Conseil des Prud’hommes et a publié un livre.


En octobre 2006, Stéphanie Gonier, ex salariée de Nissan, a été poursuivie pour injure et diffamation par son ancien employeur pour des propos tenus sur son blog visant à raconter ce qu’elle considère comme une mise au placard, après son retour de congé parental, puis son licenciement et la mise en ligne de courriers échangés avec sa direction sur lesquels des noms apparaissaient. Elle a été condamnée pénalement et a été déboutée de ses demandes par le Conseil des Prud’hommes.


En octobre 2007, Kevin Colvin, stagiaire à l’Anglo Irish Bank, a été remercié par son employeur suite à l’envoi d’un courriel à son supérieur afin de l’informer d’un "évènement familial" l’empêchant de venir travailler alors que le lendemain ce dernier a découvert sur son profil Facebook des photographies du stagiaire déguisé en fée lors d’une soirée d’Halloween arrosée.


En novembre 2008, des employés de Michelin qui avaient critiqué leur employeur sur le site de réseau social, Copains-d’avant, ont été licencié pour avoir dit : « Boulot de bagnard », « exploitateur », "Production, production, mais fiche de paie toujours pareil".


En décembre 2008, trois salariées de la société Alten ont critiqué sur Facebook leur hiérarchie et la direction des ressources humaines. Une “amie” commune sur Facebook et aussi employée de cette société a communiqué leur conversation à la direction qui les a licencié pour « incitation à la rébellion et dénigrement ». Deux des salariées d’Alten ont porté l’affaire devant les prud’hommes qui devrait rendre sa décision courant 2011.


En 2009, une candidate à un poste chez Cisco qui avait twitté ses doutes sur son futur job n’a pas été recrutée.


La même année, une utilisatrice de Facebook a été licenciée par son employeur suisse pour avoir posté sur le réseau social durant son congé maladie alors que celle-ci était en arrêt maladie pour cause de migraine, l’obligeant à rester dans le noir et l’empêchant de travailler sur écran.


Courant 2010, trois salariées de l’association SOS Femmes en Dordogne ont été licenciées pour faute lourde par leur employeur à la suite de messages laissés sur leur « mur Facebook ». Elles ont saisi le Conseil des prud’hommes, qui se prononcera en mars 2011. L’employeur de son côté a aussi déposé une plainte pour menaces de mort et incitation à la haine auprès du Procureur de la République de Périgueux.

 

II - Le cadre juridique des contenus mis en ligne par les salariés


Internet n’est pas totalement une zone de non droit où tout serait virtuel et permis. Bien au contraire, dans l’attente des interventions législtative et jurisprudentielle, le cadre juridique des propos mis en ligne par les internautes et susceptibles d’être utilisés par les employeurs à l’encontre de leurs salariés est notamment fixé par :
- Le droit au respect de la vie privée des salariés (2.1)
- La liberté d’expression des salariés (2.2)
- Le devoir de réserve des salariés à l’égard de leurs employeurs (2.3)
- La loyauté de la preuve (sauf en matière pénale) : la violation des correspondances privées par les employeurs (2.4)
- Les infractions pénales d’injure et de diffamation commis par les salariés (2.5)
- Les modalités de preuve sur internet (2.6)


2.1 - Le droit au respect de la vie privée des salariés
L’article 9 du Code civil dispose que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». L’article 8 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l’Homme prévoit que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ». Ainsi, en principe, un fait relevant de la vie privée ne peut jamais faire l’objet d’une sanction.

Cependant, la cour de cassation a jugé que des faits relevant de la vie privée, tels que des conversations privées, peuvent être sanctionnés par l’employeur s’ils ont un lien avec l’activité professionnelle et qu’ils causent un trouble objectif à l’entreprise (Cass. Soc., 16 décembre 1997, N° de pourvoi : 95-41326 ; Cass. Soc., du 16 décembre 1998, N° de pourvoi 96-43540 et Cass. Soc., 6 février 2002. N° de pourvoi : 99-45418).


Pour autant, l’employeur ne peut sanctionner disciplinairement un salaire pour un fait appartenant à sa sphère privée, il peut seulement prendre une mesure permettant de faire cesser le trouble litigieux.


2.2 - La liberté d’expression des salariés
La liberté d’expression est prévue par :
- L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’homme qui dispose que : « Tout individu a droit à la liberté d’opinion et d’expression, ce qui implique le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre, sans considérations de frontières, les informations et les idées par quelque moyen d’expression que ce soit. »

- L’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 selon lequel : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l’ordre public établi par la loi. »,

- L’article L. 2281-1 du code du travail garantit la liberté d’expression des salariés concernant « le contenu, les conditions d’exercice et l’organisation de leur travail ».

A ce jour, en France, aucune jurisprudence n’a été rendue concernant les réseaux sociaux de sorte que nous ne connaissons pas les limites de cette liberté.
 
 
2.3 -Le devoir de réserve des salariés à l’égard de leurs employeurs
L’article 23 de la loi de 1983 relative à la fonction publique impose un impératif de discrétion professionnelle et d’obéissance hiérarchique. Cette règle s’applique aussi dans le secteur privé aux salariés des entreprises privées en vertu de l’article 1134 alinéa 3 du code civil.

La cour d’appel de Montpellier a ainsi jugé en janvier 2008 que le grief tenant au non-respect du “devoir de réserve” était caractérisé par le fait que le salarié, pendant ses horaires de travail, avait exposé à des tiers les différends qui l’opposaient à son employeur.

De même, les cadres supérieurs des entreprises sont tenus d’une obligation de loyauté et de réserve envers leurs employeurs qui est appréciées au cas par cas par la juge en fonction de la taille de la société, de la proximité relationnelle entre les dirigeants et les cadres.
 
2.4 - La loyauté de la preuve et la violation du secret des correspondances privées
Les réseaux sociaux comme Facebook sont des lieux privés ouverts au public. L’accès aux informations personnelles est en principe restreint aux seules personnes liées entre elles dans cette communauté, et donc liées par une communauté d’intérêt. Or, la jurisprudence définit les propos publics comme ceux échangés entre des personnes n’étant pas liées entre elles par une communauté d’intérêt (Cass. Crim 24 janvier 1995 ; Cass.civ. 23 septembre 1999)

De plus, la cour d’appel de Paris a jugé qu’une correspondance échangée entre un « nombre restreint de destinataires » connus personnellement par l’auteur ou les auteurs a un caractère privé (CA Paris, 11e ch. Corr., 2 juillet 2008).

Ainsi, si les conversations virtuelles sur les réseaux sociaux tels que Facebook venaient à être considérées comme de nature privée par les juges, les employeurs n’auraient pas le droit de les utiliser à l’encontre de leurs salariés.

A défaut, il pourrait leur être opposé par les salariés la violation du secret des correspondances privée, délit prévu et réprimé par les articles 226-15 et 432-9 du code pénal.

Un problème subsiste concernant les informations mises en ligne sur les réseaux sociaux car celles-ci peuvent être utilisées et diffusées à l’insu de leur auteur par ses contacts et ses « amis d’amis ».

 

2.5 - Les infractions pénales d’injure et de diffamation commis par les salariés

Sur ce point, je vous invite à lire l’article intitulé « injure et diffamation sur internet ».


 

2.6 - Les modalités de preuve sur internet
La liste des formalités techniques à réaliser avant de constater des faits ou du contenu litigieux sur internet nécessite de véritable connaissance en informatique.

Les pré-requis techniques à respecter avant de procéder à des constatations en ligne sont :
- Mentionner l’adresse IP de l’ordinateur ayant servi aux constatations. En effet, l’adresse IP « permet en cas de litige de vérifier au moyen du journal de connexion du serveur interrogé les pages réellement consultées pendant les opérations de constat ».
- Vider le système de cache du logiciel de navigation utilisé entre chaque connexion à un nouveau site internet. En effet, le non-respect de cette procédure ne permet pas d’écarter « l’hypothèse selon laquelle ce sont des pages web situées dans les caches de l’ordinateur qui ont, en fait, été consultées ».
- Vider les autres systèmes de « cache » de l’ordinateur tels que l’historique des saisies ou le fichier des cookies.
- Déconnecter l’ordinateur de tout serveur proxy utilisé pour les constatations. En effet, le serveur proxy « peut permettre l’accès à des pages web qui n’existent pas ou qui n’existent plus sur le site cible à la date des constatations ».
- Imprimer les copies d’écran au fur et à mesure des constatations.
- Décrire le type d’ordinateur sur lequel l’huissier de justice ou l’expert a opéré ses constatations, son système d’exploitation et son navigateur.
Vérifier la synchronisation de l’horloge interne.
Ces règles s’imposent à toute personne procédant à des constatations en ligne, quelle que soit sa qualité huissier de justice, agents assermentés de l’Agence de protection des programmes ou du Celog.

Or, je me permets d’attirer l’attention de chacun sur le fait que nombre d’huissier de justice s’improvisent expert informatique afin de faire face aux demandes de plus en plus nombreuses de constats Internet mais sans avoir les compétences techniques requises à cet effet.

Mais, s’agissant de Facebook et des forums de discussion, un problème supplémentaire se pose. En effet, souvent la victime d’une atteinte à sa réputation n’est pas un « ami » Facebook de l’auteur des contenus litigieux ou membre du forum de discussion. Ainsi, la victime a souvent accès aux pages Internet litigieuses par l’utilisation du compte Facebook d’un tiers ou grâce à l’emploi des identifiants d’un membre tiers au forum de discussion.

Dans ce contexte, les huissiers de justice ont tendance à refuser de procéder au constat Internet en s’interdisant l’accès aux sites Internet via des identifiants de personnes tierces car ils estiment frauduleux ce procédé en vertu du principe de loyauté dans la recherche de la preuve interdisant l’utilisation de procédés déloyaux, de ruses ou de stratagèmes en vue de réunir des éléments de preuve.

Pour ma part, cette vision des choses est fausse car en matière de preuve administrée par une partie, la loyauté de la preuve n’est pas exigée dès lors qu’elle peut faire l’objet d’un débat contradictoire.

Or le débat contradictoire pourra bien avoir lieu dans le cadre de la procédure judiciaire à mener aux fins de retrait, d’interdiction, de sanction et d’indemnisation des préjudices subis.

Dans la droite lignée de cette règle, la cour de cassation a d’ailleurs admis comme preuve les enregistrements téléphoniques réalisés par un particulier à l’insu de l’auteur (Cass. Crim. 30 mars 1999) ou encore les opérations de testing réalisées par l’association SOS Racisme servant à établir l’existence d’acte racisme ou discriminatoire (Cass. Crim., 11 juin 2002).

Certains huissiers compétents sont donc à même de pouvoir constater les propos et contenus illicites présents sur des forums de discussion ou le site Internet de Facebook.
 
III – L’avenir : une "charte de blogging" ou charte Internet de l’entreprise

Pour parer à tout risque, les entreprises commencent à se doter d’une « charte de blogging » aussi dénommée chez nos amis anglophones « Social Media Policy ».

A titre d’exemples, aux termes de ces chartes :
- Les sociétés d’IBM, Cisco ou Intel imposent à leurs salariés de préciser qu’ils s’expriment en leur nom et non en celui de leur entreprise.
- La société Singapore Airlines demande à leurs hôtesses de ne pas évoquer leur travail sur les réseaux sociaux.
- La BBC interdit à ses journalistes d’afficher leurs convictions politiques en ligne.

De manière générale, ce type de charte vise à rappeler les impératifs juridiques et règles de bonne conduite que doivent respecter les salariés. Reste à savoir comment ces dispositions réglementaires internes seront perçues et appliquées par les juges.

 

Légalement, les salariés ont le droit de critiquer leurs employeurs dans la limite de l’obligation de loyauté, de l’injure et de la diffamation. Cependant, tout dépend de la nature des propos et du contexte dans lequel ils ont été tenus. L’employeur ne peut sanctionner un salarié pour des éléments tirés de sa vie privée, d’une correspondance privée ou en violation de la loyauté de la preuve.

Dans ce contexte, jusqu’à nouvel ordre, les internautes doivent être prudents et s’éviter de publier sur les réseaux sociaux et sur Facebook afin de ne pas risquer à cet égard de recevoir une convocation à un entretien préalable de licenciement de la part de leur employeur.


Source : Village Justice, "Réseaux sociaux et facebook comme moyens de licenciement des salariés" par Anthony Bem, Avocat à la Cour, le 8 novembre 2010. Le blog de Maître Anthony Bem : cliquer ici