samedi 20 février 2010

Jusqu'où peut-on externaliser ? Par Stéphane Diebold

L’externalisation est une question qui taraude nombre d’entreprises, et qui est souvent perçue comme une épée de Damoclès pour ceux qui doivent la vivre. Sous réserve de l’accompagnement au changement, il est légitime que l’entreprise envisage l’ensemble des opportunités pour optimiser son organisation. Alors jusqu’où ?

L’externalisation repose sur ce que les économistes appellent la fable de l’apiculteur. Pour produire son miel l’apiculteur a besoin que ses abeilles butinent le champ de fleurs de son voisin. Il tire donc profit de cette activité sans rien payer en retour, il s’agit là d’une externalité. Or, si le voisin bétonne son champ, l’apiculteur ne pourra plus exercer son activité. L’externalisation a quelque chose de l’ordre de la fable... Elle permet au prestataire de développer sa propre activité ailleurs, d’acquérir la compétence et les économies d’échelle nécessaires et ainsi faire profiter l’acquéreur, sans qu’il paie l’ensemble du coût de l’investissement. L’externalisation est relativement rationnelle. Mais cette externalisation n’est pas sans risque. Hors des murs de l’entreprise la valeur n’est plus aussi sûrement arrimée à l’entreprise et peut passer à la concurrence. Il est donc important de sécuriser ses approvisionnements de valeur. La politique de partenariat est un moyen d’articuler internalisation et externalisation.

Concentrons-nous sur l’externalisation comme outil de concurrence qui optimise les performances. Là encore, il s’agit d’un mythe,... le mythe de la main invisible. Pourquoi un mythe ? Car les conditions de concurrence pure et parfaite ne sont que théoriques. Et la théorie souffre de son passage par la pratique. Tout ne s’échange pas et c’est bien là le problème... Avec les savoirs immatériels, la négociation est délicate. Prenons un exemple : si j’ai une idée et que je la présente à un futur acquéreur, pourquoi l’achètera-t-il encore ? A trop lui en dire, le vendeur perd de sa valeur. Et s’il ne dit rien, l’acquéreur ne peut pas connaître la valeur qu’il représente. Comment savoir si une idée est bonne sans la connaître ? Les économistes ont bien identifié la situation avec des analyses comme la théorie de l’agence ou d’autres comme la théorie des signaux. Comment s’en sortir ? Et bien, il faut sortir du marché et développer des partenariats protégés de la concurrence pour que la relation soit la plus fructueuse. Il s’agit de ne plus raisonner sur le court terme de la transaction, mais de l’inscrire dans la durée dans une démarche relationnelle. C’est cette relation que la confiance peut être construite avec l’historique comme partie prenante dans l’ajustement des anticipations de chacun. Le partenariat est une relation codifiée qui s’inscrit dans un temps prédéfini avec des points d’évaluation prédéfinis.

Alors jusqu’où externaliser revient à s’interroger sur quoi internaliser ? Et c’est là, toute la plus value de la stratégie : comme on ne connaît pas l’avenir, on le prépare. L’externalisation nécessite de réinterroger la stratégie pour présenter des solutions cohérentes qui associent les spécificités de l’entreprise et le commun du marché. Toute externalisation qui ne raisonnerait que sur des coûts sacrifierait le devenir de l’entreprise. Un coût n’a de valeur que par rapport à l’histoire qu’il porte en germe dans l’entreprise, mais là c’est une autre histoire que les mythes et les fables.

A propos de l’auteur :
Stéphane Diebold est un spécialiste de la formation et du management, avec 15 ans d’expériences dans la direction de la formation initiale (écoles supérieures de commerce) et la formation continue (Midas France, Groupe Galerie Lafayette). Il a mis son expérience au service de l’innovation pédagogique et de la performance en entreprise, en France et à l’étranger, au sein de l’Institut Avicenne dont il est le fondateur.
Collaboratif, il s’est investi dans le monde associatif avec différentes fonctions dont la vice-présidence du GARF (Groupement des Acteurs et Responsables de Formation), d’ETDF ou de la Team Factory. Il est également vice-président d’ETDF (European Training and Development Federation)

Source : Focus RH, Tribunes, Stéphane Diebold, le 17 février 2010

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