En contexte de crise, c'est la structure et les mécanismes de fonctionnement des entreprises qui se trouvent influencés. De nouveaux modes de management ont émergés, dans l'optique d'«optimisation» qui s'est imposée en pareille donne. Optimiser les coûts, donc, les méthodes mais aussi les ressources humaines devient indispensable. Parmi les pistes trouvées par les managers, et qui ont d'ailleurs fait leurs preuves, celle d'externaliser. Il s'agira tantôt de «sous-traiter» des corps de métiers, lorsqu'il s'agit notamment d'activités industrielles, mais aussi d'externaliser des fonctions administratives devenues encombrantes, pesantes en termes de charges ou inévitables en cas d'impératif de redéploiement du personnel. Parmi la nouvelle vague de métiers «externalisables», la fonction ressources humaines est l'une des plus prisées.
Réticence
Renault, Sonasid, Royal air Maroc... ont fait ce choix. «Il semble que la tendance s’est déjà enclenchée. En effet, à elle seule, notre entreprise compte actuellement 40 clients qui nous confient leur fonction RH», illustre à ce titre Franck Boutboul, directeur général HR Access EMEA. Cependant, seules les grandes entreprises semblent avoir été séduites par cette vague. Les petites et moyennes entreprises, quant à elles, demeurent encore sur la berge d'une organisation à service du personnel sous la houlette d'une direction administrative et financière. Les experts favorables à l'externalisation des fonctions support insistent d'ailleurs sur le «préjudice» que portent les PME à leur propre organisation en optant pour le schéma classique. «Actuellement, la compétitivité de la PME marocaine dépend étroitement de la compétitivité de sa structure RH», insiste Raouf Mhenni, expert en ressources humaines. Selon lui, la fonction RH est stratégique dans l'entreprise, preuve en est que «de plus en plus de DRH siègent dans les comités de direction», explique Mhenni. «Les grandes structures ont bien compris que la solution vers la compétitivité RH est sans doute dans l’externalisation de la fonction. Maintenant, c’est aux PME de suivre la même trajectoire». Pourquoi les PME ne franchissent-elle pas le pas? La question est, d'abord, celle du coût de la prestation. En effet, plusieurs opérateurs invoquent le fait que pour se décharger d'une cellule dans le but, in fine, d'alléger les charges, l'on se trouve contraint de débourser pour une prestation externe.
Il faut savoir que cette opération suppose le paiement d'un coût d’installation qui peut aller jusqu’à 300.000DH, en plus d'une rémunération variant de 55 à 150 DH par employé et par mois. Le second blocage qui se pose pour les PME est culturel cette fois. Plusieurs managers sont en effet réticents quant il s'agit de «divulguer» des situations généralement considérées comme «confidentielles», car portant sur les éléments stratégiques de leurs structures. Le jeu en vaut pourtant la chandelle au vu des retombées que cela peut avoir sur le rendement du facteur humain. L’externalisation n’est pas une simple prestation de sous-traitance, car elle suppose en effet «un transfert de personnel, d’actifs matériels ou immatériels, ainsi qu’un transfert d’obligations contractuelles», selon Boutboul. Elle devient une option clairement intéressante pour l’entreprise, dès que celle-ci suppose qu’une activité RH peut être effectuée mieux, plus rapidement, ou à moindre coût par une société externe. Dès lors, comment peut-on songer à externaliser une fonction considérée comme stratégique ? Étonnant paradoxe, mais en apparence seulement. Les éléments de réponse sont clairs. D’abord, l’externalisation permet à l’entreprise de se focaliser sur des activités à forte valeur ajoutée, afin d’accroître sa flexibilité. Deuxièmement, l’entreprise pourra réaliser des gains de coût et d’efficacité. Elle peut par ailleurs variabiliser les coûts en fonction du bulletin de paie, au prorata direct du nombre de ses salariés, «d’autant plus que cette activité n’est pas un facteur différenciant, ni du point de vue des clients, ni de celui des salariés», tranche notre expert en ressources humaines.
Plus un moyen qu’un objectif...
L’externalisation de certaines fonctions RH doit être perçue comme un moyen parmi d’autres de répondre à des questions du type : comment réduire les coûts de ma fonction RH ? Comment améliorer le service pour les employés ? Comment assurer un support plus efficace aux opérationnels et à l’évolution de mon activité en général ? Ce n’est pas dans la conservation de ses effectifs mais dans sa capacité à répondre efficacement à ces questions que la fonction RH trouve sa légitimité et pourra s’imposer comme un levier de la performance de l’entreprise. En revanche, l’externalisation ne peut pas permettre à la société de se défausser de ses responsabilités et de la définition de sa politique RH. «L’externalisation peut apparaître comme une solution intéressante pour une DRH, si toutefois elle est bien effectuée», déclare Franck Boutboul. De fait, une attention insuffisante est portée à la relation d’externalisation. Pour réussir ce processus. Il est nécessaire d’effectuer en amont une définition précise des objectifs à atteindre dans le cadre de l’externalisation. Celle-ci ne signifie pas déchargement de l’activité. Elle doit être gérée et suivie au quotidien par des ressources internes. Le transfert des connaissances et des compétences ne doit pas être total : la fonction RH doit être en mesure de dialoguer avec le prestataire et de permettre à l’entreprise de conserver en interne le bénéfice des synergies réalisées. Enfin, l’objectif de réduction des coûts est important, mais il ne vient qu’au second plan : il ne doit pas être l’unique et premier critère de décision. Ce n’est qu’en respectant ces règles essentielles que l’externalisation peut s’envisager comme une solution pertinente, un véritable levier de création de valeur. Il faut noter à ce niveau que l’objectif de l’externalisation RH n’est pas de faire supporter le risque à autrui, mais doit résulter d’une réelle décision stratégique, permettant d’optimiser la qualité du service et de dégager des ressources pour les activités RH à plus forte valeur ajoutée.
Quid des autres fonctions ?
Mis à part la formation et le recrutement, qui sont des activités largement externalisables, l’entreprise ne doit absolument pas se désengager des autres missions de la DRH, telles que le développement des organisations et des personnes, les relations sociales, ou encore la gestion de carrière, la rémunération, la communication interne. «Le top management de l’entité est le seul habilité à mener cette mission. Il faut savoir que ces domaines sont cruciaux, car ils sont au centre d’enjeux RH stratégiques dans les organisations actuelles», confirme l’expert. Les RH jouent un rôle de premier plan pour combler la disparité entre ces liens naturels créés par la proximité entre employés et décideurs. Autrement dit, il s’agit de conserver un rôle de «gardien du temple», pour concilier des objectifs de performance, mais aussi de bien-être au travail et de cohésion sociale. Ces activités ont d’ailleurs un caractère peu mutualisable entre différentes entités, ce qui supprime de manière quasi automatique les intérêts économiques d’une éventuelle externalisation.
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Point de vue : Franck Boutboul, Directeur général HR Access EMEA
Actuellement, nombreuses sont les entreprises qui offrent des solutions d’externalisation de la fonction RH, sauf que ces dernières ne proposent pas des solutions appropriés aux PME, notamment en termes de coût. Il faut savoir qu’en général le coût d’externalisation reste relativement pesant pour la trésorerie d’une petite entreprise ou industrie marocaine. Toutefois ce coût varie en fonction du nombre du personnel ainsi que des tâches externalisées. En revanche, si nous n’adaptons pas notre offre aux moyens financiers des PME, ce n’est pas parce que nous ne nous intéressons pas à cette niche. Bien au contraire, les PME constituent actuellement plus de 90% du tissu économique du pays. À mon avis ce n’est pas tant un problème de coût que de mentalité de dirigeants qui sont souvent aussi DRH dans ce type de structures, qui ne veulent pas confier une partie de leur pouvoir sur tous les niveaux et pas seulement en matière de ressources humaines.