Le dernier colloque organisé par l’IGS à Paris le 30 novembre dernier a été l’occasion pour les participants de s’interroger autour de la question : « Comment la fonction RH peut-elle rester branchée sur le modernité ? » Une question soulevée, notamment, par le développement croissant des technologies de l’information et de la communication – smartphones, blogs, wikis, réseaux sociaux professionnels, etc. - en entreprise.
Entreprises et RH font face à une crise multiple. « La valeur travail est à repenser, estime Philippe Lemoine, PDG du groupe Lazer. Le corps propre de l’entreprise évolue, avec une multitude de métiers - à l’image d’Apple, qui est à la fois une entreprise de télécoms et d’informatique -, des alliances et des coopérations (avec d’autres entreprises, des Organisations non gouvernementales, des associations), notamment via le mécénat de compétences. » Selon lui, le rôle même de l’entreprise change. Il appuie : « Une partie de la valeur économique et de l’innovation ne vient plus directement de l’entreprise, mais des utilisateurs de ses produits, comme les applications iPhone. Charge à l’entreprise de les fédérer. »
Des évolutions que toutes les générations ne vivent pas de la même façon. Pour assimiler et s’adapter à cette modernité, les RH vont donc devoir développer les coopérations intergénérationnelles.
Repenser l’entreprise
Car l’une des grosses difficultés que rencontrent les entreprises françaises, notamment dans leur structuration, « c’est qu’elles ne sont pas sensibles aux effets générationnels ; elles ne parviennent pas à intégrer les problématiques générationnelles », selon Izy Béhar, DRH d’Eutelsat S.A. Il poursuit : « Le problème des retraites, épine dorsale de la structuration des charges sociales, ne tient pas compte des différentes générations. La problématique des générations que l’on doit faire vivre ensemble dans l’entreprise de doit pas être éloignée de nos structurations juridiques et sociales. » Et d’ajouter : « Une segmentation au sens marketing du terme avec des clients, en droit social, c’est compliqué. »
« Il faut revoir la communication sur les valeurs managériales, les règles collectives. On doit changer les règles du jeu », estime Philippe Lemoine. Un changement poussé également par l’usage croissant des nouvelles technologies dans l’entreprise.
Assurer le lien social
Et cette intégration des nouvelles technologies doit aussi s’accompagner d’une attention particulière au lien social. « Plus on utilise le 2.0, l’interactivité, le partage, les outils modernes de communication et plus on doit organiser de rencontres et de réunions pour organiser cet usage », souligne ainsi Didier Baichère, DRH France d’Alcatel-Lucent. Car le danger de l’illusion n’est jamais loin. « Rendez-vous compte, illustre Bernard Lemaire, DRH chez Chronopost, combien de mails certains salariés peuvent recevoir par jour. Cela provoque l’illusion que le message va être reçu par le récepteur. Mais celui-ci ne relève que les plus importants et le reste s’entasse. » Le tout au détriment du lien social.
Pour Didier Baichère, « le mail est un outil de communication qui va vite disparaître, dès lors que les réseaux sociaux internes vont se développer ». Il poursuit : « Les mails ne sont pas des outils de créativité, ils permettent tout juste de se dédouaner de ses responsabilités. Les nouveaux outils, en revanche, permettent de discuter en direct tout en s’échangeant des pièces jointes et en les stockant sur ce même espace d’échange. » Une façon aussi, pour les managers 2.0, de revenir à leur rôle d’animateur de communauté de salariés et de participer ainsi à cette création ou cet entretien du lien social.
Poser les vraies questions
Mais la frontière entre création et destruction de lien sociale est mince. Pour Bernard Lemaire, « plus on se passe des outils comme les Smartphones, dans le cadre du travail, mieux c’est ». Chez Chronopost, l’usage est limité aux directeurs et aux salariés qui ont un rôle critique, comme la sûreté ou les RRH qui peuvent, à tout moment, être interpellés sur des problématiques de conflits sociaux. Il s’agit finalement d’assurer un certain équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle.
Seulement, et c’est bien là la modernité, sans jugement de valeur aucun : la progression des nouvelles technologies dans les entreprises est inéluctable. « Aujourd’hui, les commerciaux le réclament. On y viendra. On baisse la garde », atteste Bernard Lemaire. Dès lors, il faut se poser les bonnes questions, « les vraies questions » pour reprendre les termes d’Izy béhar pour qui « il faut dédramatiser cette distinction vie privée et professionnelle. La vraie question est celle de [la nouvelle] organisation du travail qui va en découler. » Et Philippe Lemoine de conclure : « Le problème est de savoir quels types de libertés nouvelles vont émerger. »