Sur le terrain de l’externalisation, la gestion de la paie bat tous les records. Elle est le process RH le plus externalisé par les entreprises, qu’elles fassent appellent à une solution en ligne (ASP ou SaaS), un cabinet d’expertise comptable ou un autre prestataire. Mais à quel point le marché de l’externalisation de la paie est-il étendu ? La dernière enquête EOA/DEMOS Outsourcing révèle que les entreprises qui ont opté pour l’externalisation complète sont aussi nombreuses que celles qui la gèrent en local. Pour ceux qui voient le verre à moitié plein, c’est une belle évolution ; pour les autres, le signe qu’elles sont encore réticentes à l’externalisation de la paie.
L’embarras du choix
Les TPE, PME/PMI et associations sont les principales cibles des prestataires de gestion de la paie. Cet effectif pourrait, dans l’avenir, être rejoint par les auto-entrepreneurs dont le développement nécessiterait d’embaucher un salarié. Le besoin d’externaliser la gestion de la paie s’exprime au travers d’un manque de compétence en interne, la contrainte d’un budget réduit, l’exigence de fiabilité et de simplicité. Pour une dizaine d’euros par salarié et par mois, les fournisseurs de solutions en ligne rivalisent de slogans prônant la simplicité d’utilisation et le faible coût de leur service. « Notre solution est plus simple que le SaaS ou l’ASP, elle ne suppose aucun outil informatique ni aucune compétence en interne. Les clients n’ont qu’à remplir une fiche en ligne avec les variables de paie », vend Dominique Sarr, gérant d’Exapaye, société récemment arrivée sur le marché.
ASP – pour Application Service Provider, SaaS – pour Software as a Service, mais aussi TMA – Tierce Maintenance Applicative ou encore BPO – Business Process Outsourcing. Difficile de s’y retrouver, d’autant plus que la frontière entre chaque technologie est infime. Selon ADP, leader du marché, chacune a son intérêt. « Les technologies Internet permettent d’optimiser les processus et de donner un accès au service à tous les salariés et managers », lit-on dans leur Livre Blanc. Une entreprise qui cherche à externaliser s’y connaît peu en gestion de la paie et son objectif est de gagner du temps. Pourquoi donc en perdre à tenter de distinguer ces solutions les unes des autres ? Conseil d’un expert de la paie : concentrez-vous sur les services et leur inclusion (ou non) dans un forfait. Pensez à l’assistance qui vous est fournie pour la mise en place de la solution (faut-il un serveur ?), son paramétrage, la saisie de données (faut-il une formation ?), en cas de problème technique…
Les entreprises qui recherchent un soutien fiscal et/ou social se tournent vers les cabinets d’expertise comptable, pour la fiabilité et le professionnalisme qu’inspire le titre. Moins « calés » en système informatique et par gain de temps, « ces experts comptables ont eux-mêmes externalisé l’ensemble des paies qui leur sont confiées », apprend-on chez ADP. Selon le Guide de la Profession Comptable, publié en octobre dernier par l’Ordre en question, 55% des TPE et 4 associations sur 10 confieraient la gestion de leur paie à l’un d’entre eux. Ils précisent : « Le taux de recours à un expert-comptable pour l’établissement de la paie est très hétérogène selon la taille des entreprises : tandis que près de 2 entreprises de 1 à 19 salariés sur 3 font appel à un expert-comptable pour ces travaux, la proportion n’est que de 3 sur 10 quand l’effectif se situe entre 20 et 49 salariés et même de 3 sur 20 pour les PME d’au moins 50 salariés. »
La difficulté d’évaluer le coût
Selon ADP, évaluer le coût de la gestion de la paie est « un préalable indispensable » mais un exercice difficile : « il faut identifier les processus, les tâches et les composantes contribuant à sa production ». Et cela qu’il s’agisse d’une gestion en interne ou en externe. Via le mode ASP, il faut compter des frais fixes comme l’achat d’un serveur, le coût des licences, de l’hébergement. En SaaS, la plateforme est mutualisée. Le client paye en fonction de l’utilisation qu’il en fait. L’externalisation via un cabinet d’experts-comptables permet, comme dans les deux premiers cas, d’économiser sur le salaire d’une personne dédiée à la production des fiches de paie, même si « l’activité de la paie ne suppose pas un temps plein », précise Dominique Sarr. En revanche, le coût par salarié est plus élevé. Il faut également compter sur des frais supplémentaires en fonction des missions complémentaires ou pour certaines prestations (nouveau salarié, par exemple). « Pour les missions liées à la gestion des paies, le budget moyen déclaré est de 2 093€ pour les entreprises et 2 251€ pour les associations », peut-on lire dans le Guide de la Profession Comptable.
A partir de plusieurs études menées en Europe, ADP conclut que « la part visible et mesurable des coûts de la paie est estimée à 200€ par salarié et par an en moyenne ». Mais, « il faut prendre en compte les coûts cachés relatifs à l’administration du personnel et à l’informatique », précise-t-on chez le fournisseur de solutions Paie et RH. A titre informatif et pour comparaison, le prix d’un logiciel basique de création et gestion des bulletins de paie – commercialisé par l’un des plus gros éditeurs - s’élève à environ 400€.
La paie : un facteur humain
Pour Dominique Sarr, également formateur en Droit du Travail, Comptabilité et Gestion, « il existe encore des freins affectifs lorsqu’il s’agit de sortir la paie de l’entreprise ». D’abord parce qu’il s’agit « de données confidentielles » mais aussi par « crainte » de ne pas trouver une personne fiable. « Près de 9 clients sur 10 indiquent qu’ils ont fait appel à un expert-comptable pour que celui-ci atteste leurs comptes », lit-on dans le Guide de la Profession Comptable. Les entreprises qui souhaitent externaliser recherchent avant tout de la sécurité et de la rigueur.
Pour l’Ordre, « la paie est sensible car elle concerne le personnel de l’entreprise ». Si elle est retardée ou erronée, « cela risque de générer des conflits », insistent les experts-comptables. Du côté d’ADP, même constat : « la paie a une valeur symbolique essentielle à la cohésion sociale de l’entreprise ». La gestion de la paie est plus qu’une obligation légale, elle est un engagement humain et cet engagement pousse les entreprises à externaliser ce process, les prestataires à élargir leurs offres. Les entreprises, côté management et salariés, expriment un besoin de formation (comment lire la feuille de paie, utiliser les outils en mode Saas ou APS…) et de conseils. Les experts-comptables ont réalisé ce constat – d’ailleurs, dans la majorité des cas, leurs prestations Paie sont accompagnées de missions complémentaires - et encouragent la profession à « valoriser le produit « paie et conseil social » auprès des clients ».
Au regard des évolutions législatives, que les réformes en cours viennent complexifier (retraite, par exemple), mais aussi des mentalités, les acteurs s’accordent tous pour conclure que l’externalisation du marché ne cessera d’évoluer et de gagner du terrain. « La gestion de la paie n’est pas le cœur de métier de l’entreprise », justifie le gérant d’Exapaye. « Emportées par la passion de leur métier et le tourbillon de leur croissance », poétise ADP, les entreprises ont besoin de se recentrer sur leur activité pour créer de la valeur ajoutée. Externaliser la paie est un premier pas.
Source : My RH Line, "Externalisation de la paie : les freins et le moteur" par Typhanie Bouju, le 14 décembre 2010.
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