Chasse aux coûts, externalisations, plans de départs : les services RH aussi subissent une cure d’amaigrissement. Résultat : ils perdent le contact avec les salariés. Et le manager de proximité a bien du mal à prendre le relais.
Les représentants du personnel d’AstraZeneca en sont tombés de haut.
Début mars, en surfant sur la Toile, ils découvrent que le groupe pharmaceutique entend externaliser l’ensemble de la gestion des ressources humaines au niveau mondial. « Personne ne nous a tenus au courant alors que, dans le même temps, la direction française nous annonçait un PSE avec 94 suppressions de postes, dont trois à la DRH », fulmine un représentant du personnel. Le contrat a été signé en catimini trois mois plus tôt. Seul le prestataire NorthgateArinso s’était fendu d’un communiqué de presse en anglais sur son site. La décision du groupe anglo-suédois est pour le moins radicale. Dans les mois qui viennent, la paie, l’administration et la gestion des salariés, le recrutement seront dispersés aux quatre coins de la planète dans des villes à bas coûts : Manille, Buenos Aires, Katowice et Grenade. La Belgique, le Luxembourg et la France se sont portés volontaires pour être les pilotes de ce projet à hauts risques. Autant dire que la fonction RH de la filiale française peut se faire du mouron.
Ces trois dernières années, la crise a rendu plus aiguë la nécessité pour les grandes entreprises de faire une chasse impitoyable aux coûts. Et les directions des ressources humaines n’y coupent pas. La grande tendance, dans les entreprises de plus de 2 000 salariés, c’est l’externalisation de la fonction RH. « Sur le marché français, les appels d’offres se sont vraiment accélérés ces derniers mois, constate Yves Benezech, directeur de l’outsourcing pour HR Access. Aujourd’hui, un appel d’offres sur deux concerne un projet d’externalisation. Les clients qui avaient jusqu’ici choisi de confier la paie ou leur SIRH à un prestataire vont désormais vers des projets plus larges. » Sommés par leur direction générale de prouver la valeur ajoutée de leur service au business, les DRH des grands groupes ont mis toute leur énergie à chercher le meilleur retour sur investissement possible. Une quête sans fin tant les outils informatiques autorisent des ratios de productivité toujours plus spectaculaires. « Aujourd’hui, nos outils permettent aux gestionnaires RH des entreprises du secteur tertiaire de prendre en charge 500, voire 800 collaborateurs », se félicite Yves Benezech.
Machine à café.
Maîtres d’œuvre des plans sociaux et des plans de départs volontaires, les directions des ressources humaines ne passent pas non plus à travers les gouttes des restructurations. Aux centres techniques de Renault à Rueil-Malmaison et Lardy, en région parisienne, les équipes RH ont quitté le navire avec le plan de départs volontaires. « Au fil des restructurations, l’effectif des équipes RH de Hewlett-Packard a été divisé par deux. Un RRH suit à présent 500 à 1 000 salariés selon les unités », indique Jean-Paul Vouiller, le délégué syndical central CFTC. Sur le site d’ArcelorMittal de Florange, même constat. « Le dernier plan de départs volontaires a fragilisé les fonctions support. À Florange, le DRH du site est parti dans ce cadre, souligne Patrick Auzanneau, responsable syndical national CFDT du sidérurgiste. Et quand la direction recrute des responsables des ressources humaines, ils n’ont plus d’administratifs pour les épauler. Ils n’ont plus de temps pour maintenir le lien avec les salariés. »
Sur le terrain, cette course à la productivité creuse l’écart entre les DRH et les salariés. Pour Jean-Paul Bouchet, secrétaire général de la CFDT Cadres, « à force d’avoir instrumentalisé cette fonction pour lui permettre de faire du reporting à tour de bras, les DRH se sont coupés du terrain. Il faut à tout prix qu’ils réinvestissent le champ du travail, qu’ils créent des espaces de discussion autour des métiers et de l’organisation du travail ». La dernière enquête de l’Observatoire Cegos sur le climat social dans les entreprises montre un vrai décalage dans la perception du travail par les équipes RH et par leurs collaborateurs. Quand 76 % des DRH estiment que ceux-ci peuvent construire leur projet professionnel avec l’équipe RH, seuls 27 % des salariés partagent ce point de vue ! « Je n’attends absolument rien des ressources humaines, avoue Patrick, consultant senior pour la SSII Steria. Notre chargée des RH s’occupe de 250 collaborateurs. Comment voulez-vous qu’elle connaisse nos métiers et nous aide en quoi que ce soit ! Je sais qu’elle n’a pas le pouvoir dans l’entreprise, alors je fais sans elle. » Pour Annick Allégret, directrice de l’unité ressources humaines et management de Cegos, « les DRH restent centrés sur leur rôle de membres de comité de direction. Ils ne vont plus sur le terrain. Ils ne passent plus assez de temps à la machine à café ou dans les ateliers. À leur décharge, les managers n’assurent plus le relais avec le terrain, trop accaparés, eux aussi, par le reporting ».
Source : WK-RH, Rubrique Actualités sociales et RH, Article "Où sont passés les DRH ?", Liaisons sociales magazine, avril 2010
Faire de l'externalisation de la paie, c'est possible. Mais les recrutements, ce ne sont pas possibles, enfin c'est ce que je pense !
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