De la nécessité de se transformer
Le temps où les entreprises étaient installées sur des stratégies monolithiques basées sur le moyen et long terme, sur des compétences stables et des ressources structurellement identifiées est bien révolu. Aujourd’hui, le changement n’est plus une rupture par rapport à un mode de fonctionnement identifié mais c’est devenu un mode de fonctionnement en soi. Le nouveau modèle économique repose sur le concept même de changement : une transformation continue de l’organisation liée à des contextes mouvants.
Expliquons-nous. La nouvelle économie est caractérisée par :
- La globalisation croissante de l’économie où la compétition va croissante, les rythmes s’accélèrent et les barrières à l’entrée s’amenuisent,
- Les évolutions des modes de consommation avec des consommateurs de plus en plus informés et exigeants tant sur le plan de leurs valeurs que du retour sur investissement de chaque euro dépensé,
- Le rôle toujours plus important de la technologie avec une mondialisation des échanges et une libre et rapide circulation des informations et des connaissances,
- La montée des préoccupations éthiques avec la pression des différents gouvernements et lobbies faite sur les entreprises et l’impact des nouveaux critères de responsabilité sociale sur la réputation de l’entreprise.
Ainsi, dans un contexte de mutation profonde de nos modèles de société, les défis majeurs des dirigeants trouvent leur source autant sinon plus dans la gestion des hommes et des cultures que dans la gestion du système financier.
Pour ces raisons, se remettre perpétuellement en question et se transformer sont devenus une nécessité pour les entreprises. Selon une étude TNS Sofres 2009, un projet de transformation est lancé en moyenne tous les semestres dans chaque entreprise. Ces résultats montrent que ce besoin structurel de transformation est vécu comme un acte de management normal mais son impact est important sur une multiplicité de dimensions de l’entreprise et implique ainsi de faire évoluer l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise :
- Modèle organisationnel : une organisation suffisamment souple et flexible pour s’adapter en permanence aux aléas économiques et politiques
- Système RH : des politiques RH alignées sur les stratégies business et permettant un développement rapide et un renouvellement fréquent des compétences
- Modèle culturel et managérial : un modèle organisationnel et humain permettant une acquisition et une mise en pratique rapide des nouveaux comportements créateurs de valeur
Le DRH comme chef d’orchestre de la Transformation ?
Si l’enjeu humain des transformations n’est plus à redire, est-ce que pour autant le DRH a un rôle à jouer dans l’accompagnement de ces transformations ?
Force est de constater que dans les faits, c’est souvent loin d’être le cas. Hormis les projets touchant à la fonction RH elle-même, il est en effet paradoxal de constater que l’accompagnement des transformations est souvent porté par les équipes projets composées la majeure partie du temps par des opérationnels. La DRH joue le plus souvent un rôle de contributeur et est appelée pour son expertise par exemple lors des différentes présentations obligatoires aux IRP.
Ainsi, si l’on peut affirmer que la légitimité de la fonction RH a grandi au fil des années en passant d’une fonction essentiellement administrative à une fonction stratégique, son rôle comme « acteur de la Transformation » reste encore à développer.
Pourtant, il est clair que la réussite des transformations repose essentiellement sur la bonne appréhension de la dimension humaine du projet plus que par la résolution des aspects techniques. L’origine de la plupart des échecs des projets de transformation en effet est à rechercher dans la conception même de la transformation à mener. Cette conception privilégie les outils et processus ou les solutions techniques à mettre en oeuvre, en perdant de vue le sens réel de la transformation pour l’entreprise et les acteurs. Sans conclure à un lien de cause à effet entre le fait que la majorité des chefs d’entreprise indique que l’échec des projets de transformation est lié au manque de maitrise des aspects humains de la transformation et la faible implication des DRH dans les équipes projet, il apparaît tout de même clairement selon les dirigeants que savoir mobiliser et accompagner les équipes sur la durée restent bien les priorités mais aussi autant de « points durs » dans la conduite des projets (1).
Par sa connaissance des populations et de la culture sociale, le DRH peut ainsi permettre de lever les freins au changement, de favoriser l’adhésion voire même d’éviter un blocage du projet. Les dispositifs d’accompagnement au changement et de développement des compétences seront ainsi inscrits dans une logique pérenne en cohérence avec la stratégie de développement RH développée dans l’entreprise.
Pour ce faire, le DRH se doit d’innover et de faire sortir les décideurs de leur cadre rigide. Innover, c’est « introduire quelque chose de nouveau dans un domaine particulier » précise le Petit Larousse. L’innovation dans les ressources humaines correspond alors à l’introduction de programmes, de politiques, de pratiques ou de systèmes nouveaux conçus pour avoir une influence sur l’attitude ou le comportement des salariés dans l’objectif d’optimiser la transformation du travail en performance. Le DRH doit ainsi se positionner auprès de la Direction Générale dès le lancement du projet et démontrer, au-delà des chantiers techniques RH tels que les réponses juridiques, sa valeur ajoutée comme chef d’orchestre de la Transformation. Plus largement, le rôle de la DRH est de favoriser une culture d’Innovation et de changement dans les pratiques quotidiennes. Décloisonner et faire travailler ensemble les collaborateurs, tel est le levier pour instaurer une logique de Transformation continue. Mettre en place des communautés transverses intergénérationnelles mêlant les « séniors » et les populations issues de la « génération Y » ou des groupes de travail multiculturels afin d’appréhender au mieux la gestion du changement dans un environnement mondialisé, sont des moyens pour la DRH pour jouer un rôle clé comme acteur de la Transformation. Mais cette logique de Transformation continue doit être portée avant tout par le management qui doit impulser auprès de ses collaborateurs ces valeurs de changement . Ceci doit être un des chantiers RH à traiter en priorité : renforcer le management de proximité et créer les conditions favorables pour accélérer la conduite des transformations et optimiser la capacité d’innovation.
Cette évolution du rôle de la DRH soulève la question du profil du DRH. Pour devenir stratégique, le DRH a du devenir un « business partner », au même titre que le Directeur Marketing ou R&D. Aujourd’hui, on va lui demander, en plus de son expertise RH et de sa contribution stratégique à l’activité de l’entreprise, d’orchestrer des transformations et de créer les conditions favorables pour faire émerger les talents à travers l’innovation. Le DRH de demain est sans doute moins un technicien ou un tacticien qu’un « dynamiseur de talents », un leader ayant la capacité de rassembler et de faire bouger à la fois les organisations, les processus et les hommes au service de la performance globale de l’entreprise en adéquation avec la culture et les valeurs du groupe.
(1) Etude 2009 TNS Sofres auprès de 302 dirigeants d’entreprise dans le monde de plus de 10 000 salariés tous secteurs d’activités confondus
Source : Be HR, "Mutations sociales et réorganisations d’entreprise : les DRH et leur rôle stratégique dans l’accompagnement des transformations" par Katya GERAUD, Fondatrice du cabinet de conseil Be HR, spécialisé dans l’accompagnement RH des transformations, le 1 mars 2011
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