Crise ou non, la gestion des talents demeure d’actualité pour les entreprises. Au-delà du recrutement, il s’agit d’identifier, de développer ses talents en interne et d’opérer une cartographie de ces derniers pour une gestion à moyen, voire long terme. Entretien avec Alexandre Pachulski, auteur de "La gestion des talents dans l’entreprise" (1), publié chez Studyrama-Vocatis dans la collection Focus RH, qui revient sur la question.
Au sein d’une entreprise, qu’est ce aujourd’hui qu’un talent ?
On parle volontiers de pénurie des talents ou de guerre des talents. Mais lorsque l’on évoque un talent, il s’agit avant tout d’une personne, de quelqu’un qui, dans l’entreprise, a révélé une attitude remarquable dans un contexte donné. Il y a là un vrai changement de paradigme. Avant, on faisait référence à une ressource. Désormais, il s’agit d’une personne.
Existe-t-il un ou plusieurs types de talents ?
Il existe principalement deux grandes catégories de talents. D’abord, les talents performants : ce sont des personnes qui parviennent à produire des résultats exceptionnels, comme les commerciaux. On peut mesurer leurs résultats en chiffre d’affaires généré. Ensuite, les talents innovants : on les retrouve dans des domaines comme le marketing, l’informatique. On ne peut pas mesurer leurs résultats de façon quantitative. Il s’agit de personnes qui apportent une innovation sur un marché, comme celle qui a designé l’I-phone, par exemple.
Il existe encore des catégories un peu plus fines. Le talent clé – qui est différent d’un poste clé - représente quelqu’un dont le talent contribue à atteindre un enjeu stratégique pour l’entreprise. Le talent rare est quelqu’un qui détient une aptitude remarquable, peu présente sur le marché de l’emploi ou au sein d’une entreprise donnée. Par exemple : un responsable achat qui parle couramment japonais et qui a vécu au Japon. Le talent adaptatif saura révéler son talent dans quasi tout type de situation ou de contexte. Par exemple, un talent d’orateur qui sera effectif quel que soit l’auditoire, la taille de la salle etc. Le talent potentiel, quant à lui, possède une aptitude qui le différencie des autres. Il a un talent en lui mais ne l’a pas encore révélé.
Justement, comment identifier les talents dans l’entreprise ?
Pour ce faire, on a besoin de collecter l’information talent. Il s’agit de l’ensemble des informations qui ont trait au collaborateur sur ses compétences, son expérience etc. Pour ce faire, il y a deux acteurs principaux.
En premier lieu, les collaborateurs eux-mêmes doivent donner de la visibilité les concernant. Ils sont acteurs de leur développement. Ils doivent contribuer à donner de la visibilité sur ce qu’ils font, sur leur parcours, leurs diplômes, leurs souhaits, leurs ambitions, leurs objectifs.
L’autre acteur, c’est le manager. Au contact régulier des collaborateurs, il doit recueillir de l’information sur ses collaborateurs lors d’entretiens annuels, professionnels, lors de revues d’objectifs, de réunions, de séances de travail… Le manager doit être en veille et au fil de l’eau, recueillir l’information sur ses collaborateurs.
Un autre point est essentiel pour permettre l’émergence de talents dans un entreprise. Il s’agit de la transparence : l’entreprise doit définir ce qu’elle entend par talent, les critères que cela recouvre.
Une fois le talent identifié, se pose la question de sa fidélisation…
J’ai la conviction que la fidélisation n’est pas une fin en soi. C’est plutôt une conséquence. Quand on développe un collaborateur, une conséquence heureuse est la fidélisation. Si le collaborateur est reconnu dans son travail, que les projets qu’il mène sont intéressants, qu’il trouve du sens dans son poste et qu’il continue de développer ses compétences, il ne va pas partir de l’entreprise. La notion de développement professionnel est la réponse aux attentes.
Alors comment développer les talents dans son entreprise ?
Il y a donc tout un aspect psychosocial, de confiance, de reconnaissance, de satisfaction…Mais également un autre aspect lié au développement des compétences et de l’employabilité. L’entreprise doit s’assurer que le collaborateur sera toujours en position d’occuper son poste actuel et les postes de demain de l’entreprise. Pour ce faire, l’entreprise a de nombreux dispositifs à disposition : la formation, le coaching, le mentoring…
La rémunération est aussi un outil. Pour la motivation, la satisfaction, la reconnaissance, on ne va pas travailler de la même façon avec une augmentation individuelle, variable ou des bonus.
Reste également la mobilité professionnelle, l’adaptation du cadre de travail aux attentes professionnelles et personnelles du collaborateur, etc.
La question ne fait pas consensus. Selon vous, faut-il dire à un talent qu’il est identifié comme tel ?
Quand vous reconnaissez le talent d’un individu, vous augmentez les probabilités qu’il le renforce, qu’il l’utilise davantage. Vous renforcez sa confiance. Il sera donc en mesure de répondre à davantage de situations. Il est important de partager la confiance que l’on a dans un collaborateur.
Maintenant, comment dire à quelqu’un qu’il est talentueux mais que l’on ne va pas l’augmenter ? Il faut alors valoriser ce talent et trouver une perspective : de nouveaux projets, une promotion, une prime etc.
Si les entreprises s’insèrent dans la performance durable (en s’appuyant sur le développement des collaborateurs), elles doivent absolument partager avec leurs collaborateurs le fait qu’elles les considèrent comme des talents. Il faut proposer des choses, et on ne parle pas que d’argent. On ne peut plus fonctionner en utilisant les collaborateurs jusqu’à épuisement.
Source : Focus RH, propos recueillis par Brice Ancelin, 18 mai 2010
(1) La gestion des talents dans l’entreprise, publié aux éditions Studyrama-Vocatis, collection Focus RH. Alexandre Pachulski est docteur en informatique et directeur produits de TalentSoft, progiciel de gestion intégrée des talents en mode SaaS. Il a travaillé pendant 10 ans comme consultant sur le développement du capital humain de grandes entreprises, en étroite collaboration avec la direction générale, la direction des ressources humaines et les managers.
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