Nous avons enfin compris que la rapidité d'une entreprise à s'adapter dépendait fortement de sa capacité à motiver et mobiliser son personnel. Au même titre que le capital client ou financier, le capital humain s'appréhende aujourd'hui comme un avantage concurrentiel durable. Les ressources humaines se retrouvent ainsi souvent promues «au coeur de la stratégie» de l'entreprise, «moteur de sa performance» et «levier de sa compétitivité».
En quelques années, le service du personnel - aux prérogatives juridiques et administratives - est devenu une direction Business Partner. « Finie la paie et vive le développement du capital humain !» pourrait traduire ce souhait d'un positionnement renouvelé de la fonction RH.
L'appropriation de la technologie et l'organisation RH contribuent à cette évolution statutaire et aux nouvelles missions qu'elle entraîne pour la fonction RH.
Sur la route du Web 2.0, le chemin est encore long...
La fonction RH peut s'appuyer sur l'essor des technologies et des possibilités permises par le développement des usages d'internet. Les bénéfices de ces outils sont régulièrement rappelés dans les salons de prestataires RH et dans la presse spécialisée. Ils permettraient d'optimiser en quelques clics les tâches répétitives à faible valeur ajoutée et d'investir des domaines qui font de la fonction RH un axe stratégique pour l'entreprise : gestion des talents, développement des compétences et e-learning, innovation et gestion participative, etc. Au contact du web, les gestionnaires paie deviendraient donc des experts RH consacrant davantage de temps à l'accompagnement qualitatif des collaborateurs qu'à l'administration de leurs congés...
La traduction du concept à la réalité du terrain n'est malheureusement pas si évidente :
- 62% des entreprises n'ont pas de logiciel pour gérer la formation,
- 76% des entreprises n'ont pas d'application de gestion informatisée pour les entretiens individuels,
- 93% des entreprises n'ont pas d'application informatisée de gestion des compétences.
Ces chiffres* traduisent une évolution des pratiques de la fonction Ressources Humaines qui ne se concrétisent qu'à tout petits pas. Manifestement, croire au progrès ne signifie pas qu'il ait lieu.
Pour autant, les technologies de l'information et de la communication constituent un des piliers de la mutation du management des ressources humaines. Elles permettent des gains indispensables à la modernisation de la fonction :
- amélioration notable de la productivité par l'industrialisation des processus de gestion,
- mise en commun des informations et restitution automatisée d'indicateurs de performance,
- partage des connaissances et du savoir-faire de chacun,
- interactivité entre les différents acteurs (candidats, salariés, managers, équipe RH, prestataires RH externes) ou groupes d'acteurs (pôle d'experts, service transverse, etc.)
Avant de vanter les mérites des technologies 2.0, blogs, wikis, RSS, et autres Facebook des RH, les prestataires et les décideurs d'entreprise devraient faire en sorte que les acteurs RH s'approprient ceux des anciennes. Car l'informatique n'a pas toujours fait bon ménage avec le social. En informatique, la fonction RH a été souvent la dernière roue du carrosse, le parent pauvre du système d'information. Et ce n'est pas sans l'accord implicite des DRH, pour qui les aspects technologiques ne revêtent qu'un caractère secondaire de leur mission, une affaire de programmeur informaticien : «la technologie est froide, sans âme ; cela reste du virtuel. Nous, nous sommes quotidiennement dans le réel et les relations sociales, les vraies.»
Pour conserver ce lien avec les salariés, la fonction RH doit pourtant s'outiller et développer ses compétences technologiques, afin d'appréhender le domaine du possible, mieux définir ses besoins, consolider son système existant, concevoir ses outils futurs et, au final, délivrer un meilleur service.
Une fois les technologies du Web 1.0 appréhendées, la fonction RH devra se pencher sur les impacts du Web 2.0 sur ses missions traditionnelles. Comme gisement d'amélioration pour ses propres activités, mais également dans le but d'anticiper les changements que ces nouvelles pratiques 2.0 entraînent pour l'entreprise, et qui sont directement sous la responsabilité de la fonction RH : nouvelles formes d'organisation du travail, nouveaux styles de management, voire nouveau contrat social, nouvelles modalités juridiques et nouvelles pratiques de GRH.
L'instrumentation progressive de la fonction est donc une condition nécessaire à son repositionnement, loin d'être antinomique avec sa mission première d'accompagnement des hommes.
Adapter son organisation en renouvelant ses effectifs
Dans ce contexte, tourner son organisation RH vers la productivité et la culture du service ne se fait pas sans envisager toutes les voies :
- de la mutualisation de certaines tâches, via des centres de services RH,
- du partage de certaines activités avec des prestataires spécialisés,
- de la décentralisation et de la gestion déléguée auprès des managers opérationnels.
Une deuxième étape dans la réorganisation de la fonction, serait de prévoir des plans de développement de ses savoir-faire techniques et technologiques, mais aussi de son expertise juridique, de veille sociale et de conseil interne. L'industrialisation des processus administratifs et le déploiement des activités créatrices de valeur nécessitent l'acquisition de nouvelles ressources, et certainement un ajustement difficile de l'allocation des effectifs.
Il faut attirer de nouveaux talents RH, mettre en oeuvre les pans adéquats de formation et de rémunération, anticiper la transition de ses effectifs. Et si la DRH mettait en pratique ses préconisations de management et de GPEC au sein de sa propre organisation ?
Reste à convaincre les partenaires sociaux, les salariés, les managers, la direction générale et les actionnaires des gains à attendre d'une fonction RH 2.0 : réductions des délais de traitement, amélioration de la qualité de service, satisfaction des salariés, accompagnement des managers opérationnels, amélioration de la productivité, contribution à la performance de l'entreprise, ...
Pour ce faire, la fonction RH doit s'attacher aux résultats. Dans le contexte actuel, la valeur n'est pas que dans la volonté mais aussi dans les résultats, tangibles et concrets, dans la satisfaction objective et quantifiée du "client-manager ou salarié".
En plus de se doter d'outil d'analyse décisionnelle, d'indicateurs solides et d'un contrôle de gestion social, la fonction RH doit s'accaparer toutes les techniques du marketing. A force de communication, chiffres à l'appui, le DRH doit démontrer l'intérêt pour chaque client cible d'aller dans le sens d'une GRH plus qualitative, proche du terrain, s'assurant de l'équité du système, contribuant à la stratégie de l'entreprise. Il faut vendre l'évolution à tous les acteurs, les impliquer et les accompagner.
Le DRH était déjà un gestionnaire et un juriste performant, le voilà informaticien et internaute aguerri, organisateur consultant, financier, contrôleur de gestion, marketeur et communiquant, en véritable VRP des RH. Même si ces vocables font généralement horreur aux acteurs de la fonction, la pluridisciplinarité et l'ouverture vers les autres domaines de l'entreprise sont deux des critères de l'émergence d'une fonction Business Partner.
Les technologies appliquées aux RH et une organisation des compétences plus agile contribuent au passage à une fonction plus stratégique. Encore faut-il que les acteurs eux-mêmes de la fonction Ressources Humaines acceptent les transformations de pouvoir et les changements de rôles que cette évolution entraîne.
* Enquête de Soft Computing pour ADP, sur la base de 1 222 entreprises ayant entre 50 à 3000 salariés, 2010.
Source : Article rédigé pour RH Info, 30 avril 2010
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