Les pratiques d'entreprises, dans leur multiplicité et leur récurrences chaque fois rebaptisées postmodernes, pâtissent généralement d'une confusion proportionnelle au taux d'anglicismes qu'elles comportent. C'est devenu banal, et souvent cocasse : ça fait «in», ça fait «hype»... et puis hop, ça repart ! Néanmoins, lorsque la confusion confine à l'amalgame, il est tout de même utile d'apporter quelques éclaircissements, histoire de ne pas dire n'importe quoi.
Dans la presse généraliste en effet, comme dans la presse spécialisée - hélas - on confond régulièrement deux notions : «l'outsourcing» et «l'offshorisation». Entendez bien : l'externalisation et la délocalisation. Si les mots ne sont pas plus élégants, ils ont tout de même le mérite d'être plus précis.
Certes, en regardant de loin, on peut trouver quelques traits communs : l'externalisation comme la délocalisation, nécessite qu'un acteur de l'entreprise conduise le changement (gère le projet, communique, prenne en compte les conflits potentiels, etc.) et elles supposent toutes deux une fine approche financière... mais elles n'ont pas pour autant le même visage, loin de là. Car seule l'externalisation sollicite la fonction RH en tant que business partner et garante du sens de l'entreprise ; et c'est encore plus vrai si l'externalisation touche les activités - administratives - de la fonction RH elle-même.
Plus nous précisons le sens des termes, plus les deux notions divergent singulièrement l'une de l'autre :
- L'externalisation RH consiste, pour une entreprise, à confier durablement à un prestataire externe spécialisé la prise en charge partielle ou totale d'une application, d'un processus ou d'une activité complète de la fonction RH. Cette délégation de gestion s'accompagne le plus souvent d'un contrat pluriannuel et d'engagements sur les coûts, les délais, la qualité et l'accessibilité des services.
- La délocalisation quant à elle est le fait de déplacer géographiquement le traitement d'une activité. Ce traitement est généralement réalisé par la même entreprise mais sur une zone géographique différente. La délocalisation ne nécessite donc pas un contrat commercial. Elle n'implique pas nécessairement - loin de là - le recours à un prestataire externe.
Si nous creusons les finalités respectives des deux opérations, les différences s'accentuent encore :
Une entreprise ne peut prétendre savoir « tout faire toute seule » et il est somme toute inefficace pour elle d'essayer d'effectuer ce que d'autres font déjà mieux pour des tâches techniques, difficiles, risquées et sans réelle valeur ajoutée RH. L'externalisation est la réponse logique à ce constat de pur bon sens. Le recentrage sur le coeur de métier, le gain de temps, le recours à l'expertise permettent ainsi un bénéfice économique très significatif. Il existe à cet effet une large palette de solutions d'externalisation, allant de la simple gestion d'infrastructures informatique à une administration complète d'un processus RH, en passant par la location d'applications ou la fourniture de services récurrents comme la paie. Il s'agit d'accroître la contribution des RH à la performance globale de l'entreprise en se concentrant enfin sur la «vraie» GRH.
En revanche, l'objectif de la délocalisation est strictement financier. La réduction des coûts demeure toujours l'objectif principal des tactiques à l'offshore. L'accession à une main d'œuvre qualifiée n'est qu'une fausse barbe de la délocalisation ; le mot «offshorisation» se traduisant même parfois par «sous-traitance dans des pays à bas salaire» !
Les différences sont telles que l'on peut s'étonner de la mixtion terminologique faite ici et là et de l'amalgame existant jusque dans le grand public. En fait, les deux pratiques sont couramment mises dans le même panier parce qu'elles véhiculent - à tort ou à raison - des craintes pour les emplois. Mais alors que la délocalisation est rarement appréhendée positivement pour les salariés du pays qui offshorise, l'externalisation de tâches administratives RH est au contraire positive dans bien des cas : le transfert d'une activité à une autre entreprise prestataire peut en effet entraîner, pour les salariés concernés, des perspectives de développement et des opportunités de carrière inexistantes dans leur entreprise «externalisatrice» d'origine. Sans compter des considérations de l'expérience : l'externalisation existe depuis toujours ; qui serait prêt aujourd'hui à réclamer la réinternalisation de la restauration collective ou du nettoyage dans les entreprises ?
Bref, externaliser ne consiste pas à passer du droit social au droit commercial ! Le but n'est pas de distendre le lien social, mais bien de le renforcer en consacrant plus de temps à ce qui fait la valeur centrale de l'entreprise. L'externalisation permet véritablement d'améliorer la performance de l'entreprise. Elle limite même le recours à la délocalisation quand les gains de productivité et de qualité sont suffisamment conséquents. Développer la croissance par l'augmentation de la performance plutôt que par la seule réduction des coûts finit bien de séparer la philosophie de l'externalisation... des pratiques de délocalisations à l'horizon financier limité.
Très bon article, merci pour les informations
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