L’image de l’externalisation est souvent associée à celle de la destruction d’emplois en Europe de l’Ouest au profit des marchés émergents.
Un nouvel épisode est venu illustrer ce débat : la décision par la Commission européenne de suspendre l’attribution d’une subvention de 12 millions d’euros à l’entreprise britannique Twinings, pour l’implantation d’une usine en Pologne. Le célèbre producteur de thé ayant décidé dans le même temps de supprimer 392 emplois en Grande-Bretagne, la Commission a estimé qu’il s’agissait d’une délocalisation et non d’un nouvel investissement créateur d’emplois.
Twinings se défend en affirmant que 90% du thé qu’il vend aux Britanniques continuera à être produit sur place et que des investissements ont lieu également au Royaume-Uni. On pourrait ajouter que le fait de produire à moindre coût bénéficiera in fine au consommateur, à l’emploi en Pologne et aux résultats de l’entreprise qui pourra investir dans d’autres emplois plus productifs en Angleterre même.
Sans chercher à trancher ce débat, il est possible de chercher à en savoir davantage sur la nature des externalisations décidées par les entreprises européennes.
Vers où externalise-t-on ?
Selon l’enquête CEGOS 2011 sur les stratégies d’externalisation, les entreprises françaises qui ont externalisé ont recours à des partenaires essentiellement français, à 78% (49% hors entreprise, 29% au sein du même groupe). 13% travaillent avec des sociétés situées « nearshore », c’est-à-dire en Europe ou en Afrique du Nord. 8% ont externalisé « offshore », dans des pays plus lointains. Un cinquième seulement des externalisations correspondent donc à des délocalisations.
L’étude d’IT Sourcing Europe sur l’externalisation dans le secteur de l’informatique donne, pour les 8 pays européens étudiés, des résultats assez différents : l’externalisation à l’étranger domine, même si la proportion de « nearshore » (2 fuseaux horaires de distance) et d’ « offshore » (3 fuseaux et +) varie de façon importante suivant les pays : le Royaume-Uni et les Pays-Bas préfèrent les destinations lointaines tandis que l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse et le Danemark favorisent la proximité géographique.
Ce résultat sectoriel est cohérent avec les données du European Restructuring Monitor citées dans ce rapport : d’une façon générale, dans l’Europe des 15, les délocalisations d’emplois semblent concerner davantage les secteurs de haute et moyenne technologie. Les services informatiques représentent à eux seuls près de 8% des destructions d’emploi liées aux délocalisations entre 2003 et 2006.
La distance compte toujours
Il reste que l’externalisation semble se traduire prioritairement par le recours à des prestataires ou à des usines proches – dans le pays même ou dans un pays voisin. Cette tendance confirme une donnée générale sur le commerce international qu’il faut garder à l’esprit : malgré l’avènement très médiatisé de la globalisation, l’intensité des relations commerciales entre deux pays reste fonction de la distance qui les sépare. C’est ce que les économistes appellent le « modèle de gravité » : l’importance des échanges entre deux pays est proportionnelle au produit de leurs PIB, et s’amenuise avec la distance.
Le marché des talents, comme celui des biens et services, est mondialisé ; les processus de production peuvent s’étendre sur 5 continents. Mais les distances n’ont pas disparu pour autant : la proximité géographique continue à jouer un rôle essentiel dans les relations humaines et commerciales.
Source : Atelier de l'Emploi, ManpowerGroup, "Externalisation ou délocalisation ?", le 5 juillet 2011
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